En route vers la démocrature : la tribune du Pr Park


La ratification du Traité de Lisbonne par le Parlement à Versailles est un jalon important dans l’histoire récente de notre pays : pour la première fois depuis trop longtemps, la décision politique a été remise entre les mains de ceux qui n’auraient jamais du la lâcher, à savoir les élus du peuple, et au-delà, le Gouvernement et le Président. Cela est un premier signe certes encourageant, mais encore insuffisant : la république référendaire a vécu, première étape nécessaire vers le régime de « démocrature » éclairée que nous appelons de nos vœux.

L’échec du référendum de 2005 a montré les limites du système démocratique : alors que les experts et économistes de tous bords – et votre serviteur le premier – appelaient à voter oui, quelques démagogues – de tous bords aussi – ont sciemment manipulé les électeurs à leurs seules fins personnelles. La question de l’intelligence de l’électeur, et plus largement, de l’intérêt de lui demander son avis sur des sujets complexes qu’il est incapable de maîtriser se pose clairement.

Sur le site de laviedesidees.fr Maya Beauvallet explique la thèse de Bryan Caplan développé dans son ouvrage The Myth of the Rational Voter : Why Democracies Choose Bad Policies (Princeton & Oxford, Princeton University Press, 2007) : « En raison de [ses] erreurs systématiques, l’électeur n’est pas une tabula rasa, mais bien un être irrationnel avec des opinions qui n’ont rien d’aléatoires, qui sont simplement fausses. Ainsi, si les démocraties échouent régulièrement à prendre démocratiquement la décision économiquement pertinente compte tenu de leurs maux, ce n’est pas la faute des groupes de pression ou d’électeurs mal informés, mais parce que les hommes politiques font ce que des électeurs fous leur demandent. »

La victoire du Non au référendum fut une preuve de la folie des électeurs français. C’est aussi une preuve de l’essoufflement de notre démocratie. En corrigeant l’ignorance économique et politique des Français, les élus ont joué pleinement leur rôle. La démocrature est en marche : certes, l’avis du peuple doit être demandé, mais il est consultatif, et non exécutif. Un pouvoir fort est un pouvoir qui dépasse courageusement l’opinion. Nous regrettons que notre Président ne sache pas s’en détacher plus souvent.


Par le Professeur Park, directeur de recherche à l'Institut Bolloré